Mitakon 65mm F/1.4 Fujifilm GFX

Le Mitakon 65mm F/1.4 GFX , voilà un objectif qui a beaucoup fait parler parmi les possesseurs de boîtier Fuji GFX! Certains l’adorent et d’autres pas, en tout cas il ne laisse pas indifférent. Je me suis donc décidé à l’acheter et je l’ai testé pour vous sur mon GFX 50SII et voici mon avis :

Zhongyi optics, qui es tu ?

Ce fabricant d’optique Chinois est apparu sur le marché international il y a quelques années et s’est depuis imposé comme une alternative low cost aux grands fabricants plus traditionnels.

La stratégie est claire, des optiques simples mais solidement construites, dépourvues de futilités électroniques, avec bien souvent des ouvertures plus que généreuses comme le Mitakon 90mm F/1.25 qui fait partie de la large gamme « Speedmaster » et le tout à prix imbattable. Toutes les grandes montures (Canon, Nikon, Sony, Leica, Fuji…) sont disponibles et il en va de même pour les capteurs dits « moyen formats numériques » d’une taille supérieure au Plein format (aussi appelé full frame ou 24×36) comme par exemple le Fujifilm GFX et le Hasselblad X.

Et ce que l’on peut dire c’est que ça marche puisque ce fabricant n’a de cesse de gagner des parts de marché en photo et depuis peu en vidéo avec une série d’optiques « Speedmaster cine » pour capteur aps-c et m4/3.

Le Mitakon 65mm F/1.4, un objectif ordinaire ?

Venons en à notre Mitakon « Speedmaster » 65mm F/1.4. Malgré qu’il fasse partie de la gamme Speedmaster, il se différencie des autres objectifs par un point essentiel, son cercle image. Pour bien comprendre ce qui fait toute la spécificité de cet objectif, regardons ce qui se passe chez la concurrence, TT Artisan est un autre fabricant d’optiques Chinois à la philosophie très similaire. On trouve dans leur gamme un 90mm F/1.25 qui est également proposé en monture GFX mais pas seulement, il est aussi disponible en monture Canon, Leica, Nikon, Sony contrairement au Mitakon 65mm F/1.4 qui lui est disponible en « seulement » deux monture Fuji GFX et Hasselblad X. Là vous vous demandez où je veux en venir … vous allez comprendre. La raison à cela est que le Mitakon 65mm F/1.4 est un VRAI objectif « moyen format » alors que le TT Artisan est un objectif Full Frame ou Plein format ou encore 24×36 selon les termes de chacun, auquel on a « simplement » ajouté une monture Fuji GFX. Et c’est là que se fait toute la différence, pour mieux saisir la subtilité, revenons sur les notions de formats et tailles de capteurs. Ci dessous un schéma fourni par Fujifilm montrant la différence de taille entre un capteur « plein format » et un capteur « moyen format numérique » comme sur le Fuji GFX

On voit clairement que le capteur du Fujifilm GFX, dit « moyen format » en référence aux format de pellicule argentiques est beaucoup plus grand qu’un capteur Plein format traditionnel. Une fois que l’on visualise cela, on comprend que l’objectif TT Artisan 90mm a été conçu pour projeter une image beaucoup plus petite que le Mitakon 65mm F/1.4. Alors pourquoi est-il proposé en monture Fuji GFX ? Car il produit une image suffisamment grande pour couvrir le grand capteur Fuji GFX mais il atteint ses limites et laisse apparaître un bokeh certes doux mais avec une courbure de champ sur les bords et un vignettage marqué à pleine ouverture. Là où notre Mitakon 65mm F/1.4 lui est parfaitement à l’aise puisqu’il a été spécialement conçu pour ce capteur et cela fait toute la différence !

Le rendu moyen format, c’est quoi ?

Les appareils photo Fujifilm GFX bénéficient donc d’une taille de capteur largement supérieur au plein format = 44mm x 33mm contre 36mm x 24mm soit un rapport de grandeur de x 1.7. Les capteurs de taille supérieure au plein format (24×36) sont communément appelés « capteurs moyen format ». En photographie argentique, le moyen format désigne les pellicules 120, qui était le plus grand format de pellicule rouleau au delà on passe au grand format sur chambre.  Il serait donc dommage de ne pas pleinement profiter de ce grand capteur aux multiples avantages et pour cela il est nécessaire d’avoir un objectif adéquat. Fujifilm propose évidemment sa propre gamme d’objectifs mais autant vous dire que niveau prix ça pique fort ! Par exemple, le Fuji 63mm F/2.8 GFX est actuellement en vente à 1599€ contre 599€ pour le Mitakon 65mm f/1.4 sacrée différence … d’autant plus que le Mitakon bénéficie d’une ouverture F/1.4 bien plus généreuse. Cela met d’ailleurs bien en évidence la difficulté de fabriquer un objectif moyen format à grande ouverture et de ce coté là Zhongyi Optics réussit une véritable prouesse ! D’un point de vue optique, construire un objectif qui combine un cercle image de grande taille et une luminosité extrême de F/1.4 est très ambitieux. Et c’est en cela que l’objectif Mitakon 65mm f/1.4 est tout simplement unique dans le système Fuji GFX puisque même Fuji n’a aucun équivalent en terme de luminosité. Fujifilm vient tout juste de sortir un nouvel objectif 55mm F/1.7 pour GFX pour … 2599€. Certes, on peut supposer que les objectifs Fuji seront supérieurs en terme de qualité mais est ce bien là l’essentiel ?

Pour les passionnés de photographie argentique, le moyen format est une sorte de « graal » avec un rendu qui lui est propre et reconnaissable. Mais comment décrire ce qui fait la spécificité du rendu moyen format ? Je vais me risquer à donner mon avis et voici selon moi les points essentiels :

  • Une définition supérieure : en argentique le moyen format est synonyme d’un gain de définition très important grâce à la taille de la pellicule qui permet un niveau de détails bien supérieur au 24×36.
  • Une transition douce entre les différents plans : les passages entre le premier plan flou à la zone de netteté puis à l’arrière plan à nouveau flou sont à la fois plus visibles et plus subtiles qu’en petit format.
  • Un bokeh premium : Le bokeh est plus crémeux, plus uniforme avec une absence de courbure de champ sur les bords. Il est ainsi possible de d’isoler totalement son sujet du premier et de l’arrière plan et d’ainsi le mettre en valeur. Et cela même si le sujet est assez éloigné ce qui est beaucoup plus compliqué en 24×36, on bénéficie alors d’un plan large montrant l’environnement du sujet tout en conservant un flou de premier et arrière plan. Certains parlent également d’un effet « 3D ».

Pour illustrer cela, j’ai fait une comparaison avec mon boîtier Nikon Z8 Plein format (24×36). J’ai choisi l’objectif Nikon 50mm f/1.2 car en tenant compte du rapport de taille x1.7 entre les deux capteurs, le Mitakon est à très peu de choses près l’équivalent d’un 50mm F/1.2 sur capteur plein format. Il est donc tout à fait opportun de les comparer, et voici donc le résultat :

Si l’on fait fi de la différence de traitement jpeg entre les deux (contraste) on note que le bokeh du combo Nikon Z8 + Nikkor 50mm F/1.2 est moins doux, plus « nerveux » et que la courbure de champ est très présente sur les bords de l’image (flèche). On note également que le passage entre le plan net et le flou est moins subtile (rond) :

Si l’on zoome fortement sur le cœur de l’image, on voit clairement que le bokeh d’arrière plan est beaucoup plus diffus avec le Mitakon alors que le Nikon a un bokeh plus « structuré », le sujet se détache donc moins :

Voilà quelques pistes pour tenter de décrire le rendu du « Moyen format » qu’aucun objectif plein format ne pourra imiter et qui rend cet objectif Mitakon si spécial.

Spécifications techniques, une formule optique ambitieuse !

Spécification technique :

Focale : 65mm équivalente à un 50mm sur plein format

Ouverture : F/1.4 à F/16

Monture : Fuji GFX ou Hasselblad X

Angle de champ : 46°

Mise au point minimale : 0.7m

Rapport macro :  x 0.25

Structure optique : 11 éléments répartis en 9 groupes traités multicouches

Nombre lamelles du diaphragme : 9

Autofocus : non

Longueur : 96mm

Poids : 1050g

En regardant ces spécifications techniques plusieurs points sont à relever. La formule optique à 11 éléments est ambitieuse et je tiens à souligner à nouveau l’exploit de proposer un objectif moyen format à ouverture F/1.4 à un prix aussi contenu.

D’ailleurs, il est intéressant de constater qu’un brevet a été déposé pour la constrcution de cet objectif ce qui montre bien toute sa spécificité. Dans ce brevet que l’on peut consulter ici : https://patents.google.com/patent/CN110596863A/en?assignee=Shenyang+One+Optical+Technology+Co+Ltd

on peut lire ceci :

 » Technical Field

The invention relates to a Fuji non-reflection medium picture digital camera lens, in particular to a digital non-reflection medium picture large-aperture medium picture lens with the specifications of an effective focal length F being 65mm and an F-number F being 1.4.

Background

In digital camera equipment, there is a gap in the production design of domestic lenses. However, domestic photography enthusiasts are numerous and demand is great. The existing lens in the market has extremely high price, and causes heavy economic burden to general photography enthusiasts. »

Le constructeur indique : « Les objectifs existant sur le marché ont un prix extrêmement élevé et cela pose un problème budgétaire aux amateurs de photographie » on voit bien là, la ligne directrice. Il est très similaire au Mitakon 50mm F/0.95 proposé en montures Plein format mais avec un diamètre de lentilles redimensionné pour le moyen format numérique. Beaucoup d’amateurs de photographie argentique moyen format comparent le Mitakon 65mm au mythique Pentax Takumar 105mm F/2.4 qui équipait les boîtiers Pentax 6×7. Certains tests montrent effectivement une similitude certaine entre le rendu des ces deux objectifs. Le Takumar 105mm F/2.4 est un objectif légendaire et beaucoup rêvent de reproduire son rendu sur appareil numérique et le Mitakon est à l’heure actuelle, il est clairement celui qui s’en rapproche le plus.

Ci dessous une comparaison entre la structure optique du Takumar 105mm F/2.4 et celle du Mitakon 65mm f/1.4 :

La formule du Takumar est du type Double Gauss classique à 6 éléments en 4 groupes, à côté le Mitakon bénéficie clairement d’une formule plus poussée cependant il est à noter une similitude sur les 6 premiers éléments du Mitakon  qui reprennent la structure du Double Gauss. Il n’est donc pas étonnant de voir certaines similitudes dans les tests.

Niveau construction mécanique, le diaphragme aurait mérité quelques lamelles supplémentaires pour rester parfaitement rond à toutes les ouvertures. Je regrette une mise au point minimale trop juste, cet objectif pourrait être extraordinaire pour de la macro photo malheureusement à 70cm on reste un peu loin pour de petits sujets type papillons. On se retrouve donc avec un rapport de reproduction de 0.25 ce qui est un peu trop limité.

Hormis cela, la construction est entièrement en métal, les bagues sont souples juste ce qu’il faut et parfaitement agréables à l’usage. Quand on le prend en main, ça respire la solidité et ça se ressent niveau poids puisqu’il dépasse le kilogramme. Certains s’en plaignent mais peut être faudrait il leur rappeler qu’il s’agit d’un véritable objectif moyen format avec une ouverture inégalée de F/1.4 ! J’invite les gens qui le trouvent trop lourd à prendre en main un Pentax 6×7 équipé du Takumar 105mm, cela devrait les ramener sur Terre.

  Le pare soleil intégré me plaît beaucoup, déjà il est 100% métal et vient se visser à l’avant de l’objectif si bien qu’on en oublie même qu’il est présent. Personnellement, je n’utilise quasiment jamais de pare soleil et j’ai tendance et les laisser à la maison pour ne pas m’encombrer, j’aime partir léger ! Et bien là j’en oublie même qu’il est présent tant il semble faire partie du corps de l’objectif. Comme cela le jour où j’en ai besoin et bien je n’ai qu’à le dévisser et le fixer à l’avant de l’objectif, très pratique !

Il y a un point noir à souligner, le contrôle qualité en sortie d’usine semble douteux. En effet, en arpentant les réseaux sociaux et autres forums on ne compte plus le nombre de possesseurs de ce Mitakon 65mm ayant eut des défauts de construction parfois même sur un objectif 100% neuf. Certains, ont vu les lamelles du diaphragme sortir de leur logement, d’autres ont constaté du jeu entre les bagues voir même celles ci se sont désolidarisées ou encore des soucis de netteté à pleine ouverture. Personnellement, mon exemplaire semble de bonne facture et hormis un très léger décalage sur la mise au point à l’infini RAS pour le moment. Je ne saurais donc vous conseiller de vérifier attentivement votre objectif dès réception. On peut imaginer que pour tirer le prix vers le bas, on limite le personnel et que certains exemplaires défectueux passent à travers les mailles du contrôle qualité final et sont mis sur le marché.

Mon avis après 3 mois d’ultilisation

Autant le dire tout de suite, j’adore cet objectif qui ne quitte plus mon Fuji GFX. Son bokeh et son rendu moyen format sont à ce jour inégalés pour moi et c’est un pur plaisir de jouer avec le Mitakon 65mm tant il est facile d’isoler et mettre en valeur n’importe quel sujet. L’exemple qui suit est assez parlant, une simple branche au petit matin, une mise au point rapprochée, un arrière plan permettant de générer un bokeh et hop :

Certes, ce n’est pas la photo du siècle j’en conviens mais elle illustre bien la capacité de séparation des plans de cet optique. Le mitakon est également assez sensible aux flare et les amateurs de ces apparitions lumineuses se régaleront en contre jour. A pleine ouverture la netteté est tout à fait correcte sur mon exemplaire et devient très bonne à F/2 puis excellente à F/2.8. Certains l’utilisent seulement à ouverture F/2 mais ce serait selon moi se priver de beaucoup de ses qualités. Si vous cherchez un portrait « propre » en studio je peux le concevoir mais sinon pourquoi se priver de sa douceur à F/1.4 qui est très gratifiante sur le rendu de peau… Combiné à la mutlitude de réglages possibles sur le boîtier Fuji, aux simulations de pellicule argentiques, on a de quoi se régaler et laisser aller sa créativité.

J’ai réalisé un test de cet objectif un petit matin équipé de ma caméra Osmo action que vous pourrez bientôt retrouver sur youtube. Voici par exemple une série d’un « simple » pommier dans la brume :

Preuve en est, que le noir et blanc lui réussit plutôt bien également.

Pour conclure cet article que j’ai voulu être aussi complet que possible, je dois vous avouer que je ne peux plus me passer de cet objectif et que son prix devrait en inciter plus d’un à franchir le pas. D’autant plus qu’aujourd’hui les boîtiers Fuji GFX sont bien présents sur le marché de l’occasion et qu’il est possible de faire de belles affaires. Je pense que pour 2500€ vous pouvez trouver un boîtier GFX + l’objectif Mitakon 65mm de quoi en faire réfléchir certains et notamment les portraitistes pour qui le Mitakon 65mm pourrait rapidement devenir une référence absolue !